Ce numéro de la revue des « Collèges de clinique psychanalytique » se propose d'aborder la question « Qu'est-ce qui fait lien ? ». Au cœur de la clinique psychanalytique sont les liens entre les sexes, les liens sociaux et leur incidence subjective. Ces liens tiennent d'un impossible, un réel qui se nomme et qui s'agit en symptôme, fantasme, délire et quelquefois trouve des solutions d'écriture tout à fait singulières. Le réel étant ce qui est impossible à supporter pour tout sujet, il tend à une réalisation logique ou à une écriture qui réunit les corps « invisiblement ». Les différents articles de cette revue abordent ces questions prises dans les discours - les quatre -, que Lacan considère comme les quatre modes possibles de lien social. Les symptômes étant tributaires de leur époque, nous rencontrerons des témoignages de la clinique soumise au discours capitaliste qui nous gouverne, une variante du discours du maître avec, pour caractéristique, de produire ségrégation et racisme ; n'éliminant pas les autres discours par lesquels Lacan a défini les mathèmes des liens sociaux : discours de l'hystérie, de l'université, analytique, chacun écrivant une modalité de la jouissance collective. Les élaborations présentées dans cette revue résultent de la rencontre entre enseignants et participants aux « Collèges cliniques », avec pour tâche commune de libérer le savoir coincé dans la structure langagière « maître », chacun travaillant à partir de son manque dans le savoir pour produire plus de savoir. C'est le discours hystérique qui montre cet ordre de jouissance en écrivant le savoir à la place de la jouissance. Avec l'étude des références de Malaise dans la civilisation, nous verrons que Freud donne les fondements conceptuels pour aborder la question du lien social.
LACAN, tout au long de son enseignement, précise et nuance l'importance de l'affect pour l'être parlant. À la suite de FREUD, il donne un statut particulier à l'affect d'angoisse, affect fondamental qui contrairement aux autres affects, ne trompe pas sur sa cause : l'imminence du réel et l'imprévisibilité du désir de l'autre qui surprennent le sujet.
Avec ce thème, « Ce qui nous affecte », l'accent est porté d'emblée sur la distinction à faire entre, ce qui affecte, le langage, et ce qui est affecté, le corps. L'affect est un effet : celui de l'incorporation de la structure du langage, dès les premiers ancrages langagiers de jouissance dans la lalangue maternelle.
Sont examinés ici, les modalités et les limites de cette incorporation, notamment dans la psychose ou dans les expériences de jouissance féminine. L'affect y est envisagé dans son ancrage pulsionnel (sur l'axe satisfaction/insatisfaction), dans le lien au désir de l'Autre (assujettissement ou séparation), dans sa dérive signifiante (glissant de représentation en représentation, il trompe sur sa cause) et dans son rapport au réel.
Est questionnée l'apparition des affects propres à la situation analytique, ceux liés au transfert et au savoir insu de lalangue. Les affects, soumis à l'éthique du bien-dire, se modifient au cours et jusqu'en fin d'analyse et sont transmis dans la passe.
La répétition et le transfert - la transposition d'éléments symboliques constituent les mythes (Orphée, Oedipe et bien d'autres) qui animent nos cultures selon Lévi-Strauss. Kierkegaard, lui, fait de la répétition un objet d'interrogation philosophique. Et Freud la rencontre avec le transfert dans le champ analytique dès sa constitution. Elle a une importance majeure, avec son rapport au traumatisme, dans le tournant théorique des années vingt qui tire les conséquences de la clinique de la première guerre mondiale. Lacan, lui, souligne le statut de concepts fondamentaux de la psychanalyse de la répétition et du transfert à 'instar de l'inconscient et de la pulsion. Cette revue recueille les enseignements et les débats des Collèges de clinique psychanalytique du Champ lacanien de France autour du thème " la répétition à l'épreuve du transfert". On y lira comment les auteurs répondent aux questions qu'implique ce thème :
Contrairement à la nomenclature d'aujourd'hui du DSM où la dépression est devenue un signifiant à tout nommer, ni la psychiatrie, ni la psychanalyse n'en ont fait un terme de structure. La psychologie a repris à son compte ce terme que le discours médical avait lui-même emprunté au latin au XIV siècle désignant « affaissement, enfoncement ».
Avec la naissance de la psychanalyse, dès 1895, Freud définit les états dépressifs comme une « perte de libido » qu'il repère dans les situations de deuil et dans la mélancolie. Cette perte de libido est liée à la perte d'un objet qui concerne aussi bien l'objet aimé, que la perte d'un idéal ou une perte méconnue que le sujet éternisera dans sa plainte ou dans sa litanie mélancolique.
Lacan poursuivant le travail de Freud, cerne la perte originelle que le petit d'homme rencontre dès son entrée dans le langage. Son « insatisfaction générique » (Colette Soler) est inhérente à la condition d'être parlant.
Le fondement de la clinique psychanalytique repose précisément sur l'écoute et le recueil de ces dits déprimés et se doit de s'orienter dans la structure, au cas par cas, jusqu'au dire de cette perte inaugurale.
La tristesse qui accompagne à l'occasion « Lesdits déprimés », Lacan la qualifie de « faute morale » en opposition au « gay sçavoir » qui serait lui une vertu, en référence à l'éthique chrétienne. Mais si la vertu n'absout aucun pêché, la faute morale est bien un pêché, une lâcheté morale face au « devoir de bien dire ou de s'y retrouver dans l'inconscient, dans la structure». Quant à la vertu du gay sçavoir, elle consiste « non pas à comprendre, piquer dans le sens, mais le raser d'aussi près qu'il se peut sans qu'il fasse glu pour cette vertu, pour cela jouir du déchiffrage.»
Ainsi la psychanalyse se définit comme l'éthique du bien dire, un bien dire sur la perte d'objet ou sur son vide, qui témoigne de la jouissance du sujet déprimé.
Les Collèges de clinique psychanalytique, puisque c'est ainsi qu'ils se nomment désormais, ont peut-être plus que tout autre vocation à relever le défi quant aux diagnostics si confus de notre psychiatrie moderne, qui se cantonne aujourd'hui, à repérer les symptômes, selon des critères préétablis, de « dépression moyennement modérée ou morbide ».
La clinique psychanalytique vise le Réel, et conduit nécessairement les analystes à s'interroger sur ces dits déprimés, qui pris dans le discours courant, n'en masquent pas moins ce Réel, qui fonde son éthique.
L'élaboration des textes de ce numéro 9 de notre Revue Nationale des Collèges de clinique psychanalytique reflète le dynamisme de nos Formations cliniques du Champ lacanien en articulant sa recherche théorique à la clinique de notre monde contemporain.
Ainsi vous trouverez successivement les fondements historiques et théoriques de la dépression, ses références philosophiques, mais aussi sa singularité clinique, les affects qu'elle mobilise et pour terminer, les différents abords de la mélancolie, sans oublier les productions artistiques et littéraires qu'elle peut inspirer.
Nous remercions chaque auteur de cette revue, pour son engagement dans ce pari qui ne peut être qu'enseignant pour tout clinicien qui consent à interroger au-delà des symptômes de la dite dépression.
Cette revue nous porte au coeur du concept qui structure le champ de l'expérience analytique : das Unbewußte . À l'écoute de ce qui rêve, de ce qui rate, de ce qui rit, Sigmund Freud découvre, voilà plus d'un siècle, l'inconscient.
Mais l'inconscient, keske C ? Pour Freud, c'est une hypothèse, une supposition, qu'on ne peut réduire à ses manifestations. Il faudra l'enseignement de Jacques Lacan pour dégager l'inconscient de sa caractéristique négative et prendre la mesure de cette nouveauté sans précédent.
À nommer une aporie, Freud pose ce geste inouï qui donne à la clinique son orientation éthique. En écoutant les hystériques, il découvre qu'il y a des symptômes qui tiennent à l'implication de l'organisme humain dans le rapport du sujet au langage. Par la logique du signifiant, Lacan s'attache à remettre Freud sur pied et donne à la technique freudienne du déchiffrage sa fondation : « L'inconscient est structuré comme un langage. »
Freud a posé d'emblée que, s'il relève de l'écrit, l'inconscient, n'en déplaise à la neurobiologie, n'est pas réductible à un système de traces, de souvenirs. De se nouer avec le réel et avec le corps, tout ce que chiffre l'inconscient n'est pas lisible. Ainsi Lacan ajoutera-t-il à son aphorisme une réserve. Si l'inconscient s'interroge comme du savoir, c'est un savoir impossible à rejoindre, l'effet de sens obtenu ne résorbant pas la part de non-sens qui subsiste. Au fur et à mesure que Lacan conceptualise l'invention freudienne, il propose de nouvelles définitions de l'inconscient : le discours de l'Autre, la vérité, le non-réalisé, le parlêtre, l'insu, l'une-bévue, etc., qui sont autant de mises en échec d'une conception de l'inconscient comme réservoir de sens.
L'inconscient se construit autour d'un trou, le refoulement originaire ; l'ombilic est ce point où le rêve est le plus près de l'Unerkannte, le non-reconnu, ce qui ne peut ni se dire ni s'écrire, ce point d'opacité qui ne peut en aucun cas être dit et qui est à l'origine du langage. Le traitement (refoulement, démenti ou rejet) de ce point de forclusion structurale détermine les modes d'assujettissement (névrose, perversion ou psychose) à la structure.
Ce qui crée la structure, c'est la manière dont le langage émerge au départ chez un être humain. La façon qu'a eue le sujet de se laisser imprégner par le langage, ce qu'il s'est laissé suggérer par la langue qu'il a apprise à parler, induit dès le départ un rapport entre les mots et le corps. Si l'inconscient est un savoir-faire avec « lalangue », ce qui dans le langage n'est pas réductible à la communication, le terme d'une cure analytique ne saurait donc se confondre avec l'épuisement de son déchiffrage mais serait plutôt de l'ordre d'une identification à sa part de réel irréductible.
Voilà le parcours que les articles qui suivent nous invitent à faire. Chacun des auteurs y témoigne de l'inouï de la découverte freudienne et de la tâche qu'il revient à chaque psychanalyste de soutenir. Christian Demoulin en témoigne ici une dernière fois.
Nous lirons en effet l'article que, malgré la maladie, il avait bien voulu nous confier quelques mois avant son décès le 16 septembre 2008. Son implication jamais démentie dans la transmission de la psychanalyse et dans les Formations cliniques du champ lacanien, son énonciation, son style nous manqueront.
Trauma et fantasme sont deux concepts psychanalytiques majeurs, fondateurs. Mais leur succès public et leur passage au discours courant les ont fort malencontreusement dénaturés. Un des slogans libertaires de mai 68, inspiré librement de Wilhelm Reich, ne nous invitait-il pas à vivre nos fantasmes ? Nombreux sont ceux qui, depuis, se sont mis en tête de les réaliser pleinement, et tout aussi nombreux ceux qui viennent se plaindre à nous, psychanalystes, de ne pouvoir atteindre cet idéal de sujet moderne accompli. Heureusement, aurions-nous envie de leur dire ! Quant au « trauma », effacé derrière le « traumatisme », il est devenu synonyme d'événement objectivement dommageable, censé affecter tout un chacun pareillement et relever d'un traitement psychologique d'urgence. Il est donc temps de rappeler que la psychanalyse est une affaire privée qui, supposant et impliquant le voile de l'inconscient, s'intéresse à la mise au jour d'une vérité subjective, et de vérifier la pertinence de ces deux concepts dans l'actualité de notre pratique.
Vous aurez remarqué que nous les avons reliés d'un et, et non pas d'un ou. Freud n'a en effet jamais, comme on le dit souvent de façon hâtive et erronée, abandonné le trauma pour le fantasme. S'il a d'abord déplacé l'accent du trauma au fantasme œdipien, de la séduction réelle à la séduction imaginée pour rendre compte de l'origine des psychonévroses, il n'a pas abandonné l'idée du trauma originel et c'est à lui qu'il revient encore dans son ouvrage ultime, L'Homme Moïse et la religion monothéiste [1]. Le trauma est d'origine, il peut se réduire à la transgression des deux interdits fondamentaux de l'inceste et du parricide, il est toujours sexuel puisque libidinal, il ne se déduit qu'après coup et relève, comme la cure analytique, d'une logique rétroactive. Que le trauma soit d'origine, voilà ce dont Ferenczi et Rank [2] se sont saisi, mais confondant roman, mythe et réalité, ils le tiennent tous deux pour une nécessité non pas logique mais réelle, au sens du "pour de vrai"de la réalité objective.
Le trauma freudien de la deuxième topique n'est pas celui de la première. Pas plus que le fantasme qui, dans sa deuxième version, n'est plus seulement imaginé, imaginaire, banalement œdipien, mais aussi et surtout langagier. C'est un énoncé du type : « On bat un enfant ». C'est sur cet aspect langagier que Lacan insiste. Et poursuivant avec Freud et au-delà de Freud, il situe le trauma originel dans le langage. Au commencement est le langage avec ses dits et ses inter-dits, comme il se plaît à l'écrire, où vient justement se loger le trauma originel, entre les dits, dans l'espace blanc, dans le trou. Trou dont Lacan ne s'est pas privé de décliner les différentes occurrences : trous du corps dont s'origine la pulsion, trou laissé par l'objet toujours déjà perdu, trou dans le réel, béance de la jouissance. "Troumatisme"qui oblige chacun à inventer quelque chose de singulier pour le masquer, pour s'en déprendre. Cette invention est un montage signifiant ; on l'appellera fantasme dans les cas de névrose où le sujet désirant divisé par la castration doit s'appareiller d'un objet pour s'assurer d'une certaine stabilité, mais au prix d'un symptôme ; on l'appellera métaphore délirante dans les cas de psychose déclenchée.
Pour le fantasme, Lacan en propose aussi « La logique... » [3], précise qu'il est pour lui la voie d'entrée dans ce qu'il appelle le réel, et que dans sa forme fondamentale, il se construit tout au long de la cure.
Trauma, fantasme, symptôme et acte analytiques, telle est la chaîne conceptuelle à laquelle le thème de notre année nous convie, tel est le fil que chacun des auteurs des textes que vous pourrez lire dans ce numéro a déroulé à sa façon [4].
Que certains ne veuillent rien savoir de l'inconscient traduit la résistance à la psychanalyse et lui promet un retour bien réel sous diverses formes dans les moindres interstices du tissu social, car l'inconscient surgit toujours là où il n'est pas attendu, comme dans le lapsus, le rêve, l'acte manqué et le mot d'esprit.
N'est-ce pas ainsi que Freud l'a découvert nous laissant en héritage la psychanalyse, qu'il a inventée en écoutant les hystériques qui se trouvaient au ban de la médecine traditionnelle de l'époque ?
Si « la névrose est une langue » il lui fallait un interprète, et Freud a su l'incarner, lui qui, jusqu'à la fin de sa vie, a mis à l'épreuve son désir de savoir.
Lacan reprendra la théorie là où le père de la psychanalyse l'avait laissée. Sur l'échelle névrotique, il situe l'hystérie comme « la plus primaire » en raison de sa « structure synchronique et constituante du désir » celle sur laquelle s'édifient les constructions de la névrose obsessionnelle, ce qui indique bien la répartition de ces deux névroses.
Là où d'autres parlent d'harmoniser le sujet pour mieux l'adapter à notre monde contemporain, la clinique psychanalytique met en évidence la singularité de chaque cas.
En 1932, Freud retrace ainsi son parcours : « A partir du symptôme nous fûmes conduits vers l'inconscient, vers la vie pulsionnelle, vers la sexualité. » Le fil rouge du symptôme court ainsi tout au long du développement théorique de la psychanalyse de Freud à Lacan.
Équivalent au retour du refoulé et articulé au fantasme, le symptôme « réédité, revu et corrigé » dans le transfert peut livrer ses diverses surdéterminations inconscientes, ce déchiffrage ayant une valeur thérapeutique. Freud y lit la rhétorique de l'inconscient où Lacan relève la logique du signifiant. Et on pourra lire dans ce numéro l'étude des références du Séminaire V de Jacques Lacan Les formations de l'inconscient où il déplie cette logique.
Mais cette clinique du déchiffrage comporte une butée : la fonction de jouissance du symptôme qui se marque dans la répétition pulsionnelle. Lacan y repère la valeur réelle du symptôme.
Il repère aussi sa valeur de suppléance face à l'absence de rapport sexuel - lecture lacanienne du complexe de castration freudien. D'où la fonction de symptôme que peut prendre une femme pour un homme.
Si, reprenant Marx, Lacan assigne une valeur de vérité au symptôme, la face signifiante et la face réelle du symptôme l'amènent ultérieurement à lui donner un statut de lettre qui inscrit la relation singulière du sujet au Réel. D'où la fonction de suppléance que peut quelque fois prendre l'écriture pour certains sujets. La logique du signifiant met en perspective la clinique : découpe du corps par le langage dans l'hystérie, « cisaille qui vient à l'âme avec le symptôme obsessionnel : pensée dont l'âme s'embarrasse, ne sait que faire », forclusion du Nom-du-Père, désaveu de la castration et son trophée-signe, le trait de perversion.
Si « l'inconscient c'est la politique » (Lacan), le symptôme et son traitement ont une incidence politique dont on pourra lire l'étude dans ce numéro qui jette un éclairage sur le relief de la clinique, en ces temps où l'on essaie de l'abraser.
L'hystérique a poussé Freud à inventer la psychanalyse. En avance sur son temps, elle fait « l'air du temps » et, entre refus et révolte, inscrit les transformations, les mutations sociales. La clinique de l'hystérie a donc évolué, comme les qualificatifs successifs que Lacan lui a attribués le signalent : « logicienne, industrieuse, objet précieux, pas femme, qui fait l'homme ». Nous avons fait le pari de la dire « convertible » et même « reconvertible », selon ce trajet qui va du symptôme comme événement de corps au refus du corps et au discours : enjeux de désir. Ce passage au discours va avec l'inscription d'une dimension de jouissance. Le champ de la jouissance, Champ lacanien, reste à construire. Les débuts de cette construction passent par la déconstruction de celle de Freud, nommément sur la question du père et de l'Œdipe et se concluent par une doctrine neuve de la castration. Le travail d'une année des 5 Collèges cliniques et Groupes d'études du Champ lacanien a apporté quelques pierres à cette construction. Les textes que vous pourrez lire dans ce numéro de la revue en témoignent à travers le travail clinique et les réflexions théoriques qui tentent d'articuler l'inconscient et les jouissances. I ! s'agit en effet de rendre compte des transformations de la clinique que la prise en compte de la dit-mension de Réel implique.
Ce numéro de la revue des Collèges cliniques se propose d'aborder la question de la pulsion dans la clinique, soit de la prendre au sérieux. Le sérieux est un effet de la série. C'est ce que l'on pourra vérifier à partir des textes, en les prenant un par un, car chacun témoigne d'un résultat d'élaboration, certes singulier, mais qui tient compte, en même temps, d'une élaboration collective. En effet, tout au long de l'année 2001-2002, dans chacun des cinq Collèges cliniques de France, mais aussi lors des Journées nationales de Paris réunissant l'ensemble des enseignants et des participants aux Collèges, le thème est abordé sous ses multiples facettes. Ce travail d'ensemble porte ses fruits : une perspective se dégage, visible dans les points de convergence que l'on pourra remarquer dans ce numéro. Il a donc fallu faire une mise à jour de l'enseignement de Lacan autour de ce concept pour aborder le programme qu'il trace pour la psychanalyse dès 1964, à savoir comment le sujet vit la pulsion après une analyse menée à son terme. Explorer la clinique des pulsions, c'est justement explorer les conditions de satisfaction du sujet, ainsi que les changements analytiques possibles et déterminer si les effets en sont transitoires ou définitifs. C'est pourquoi le concept de pulsion est plus dérangeant que celui d'inconscient. Il fallait oser I En effet, qui prétend, en dehors des analystes lacaniens, qu'un sujet peut changer son rapport, toujours singulier, à la jouissance ? Enfin, dans ce numéro, l'étude des références du Séminaire XI de Jacques Lacan, Les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse, permet de saisir le fonds culturel sur lequel la pulsion peut être conceptualisée.
Comme l'écrit Michel Silvestre, dans l'article inédit que vous pourrez lire dans ce premier numéro de la revue des Collèges Cliniques du Champ Lacanien : "Si nous pouvons (...) conjoindre clinique et structure, c'est parce que la structure, au sens lacanien, est (...) une structure souple et que l'on pourrait dire pleine de vide". Mais ce vide de la structure n'est pas rien puisqu'il est condition du sujet. Les Collèges Cliniques du Champ Lacanien ont été créés en 1998 sous forme d'unités régionales. Ils se consacrent à l'étude et à l'enseignement de la clinique psychanalytique telle que Freud puis Lacan l'ont conceptualisée. Leurs enseignements développent quatre dispositifs : lecture des textes psychanalytiques en privilégiant ceux de Freud et de Lacan, présentations cliniques, exposés de cas, cours et séminaires des enseignants sur un thème particulier. Le premier numéro de leur Revue Nationale consacré à la question de l'Angoisse rassemble une sélection de leurs travaux de l'année 2000-2001 qui précisent le repérage de cet affect qui "ne trompe pas" et qui "n'est pas sans objet" ; un texte inédit de Michel Silvestre sur la structure lacanienne de la névrose obsessionnelle ; des textes venus de collègues étrangers ; un éclairage philosophique de la notion d'angoisse ; et enfin une présentation raisonnée des références bibliographiques du séminaire l'Angoisse de Lacan (1962-1963). Nous souhaitons offrir, avec cette revue, un outil de travail rigoureux pour les praticiens soucieux de clinique psychanalytique.